Dans la première partie de cette chronique, il était expliqué comment notre planète contenait 1500 espèces minérales il y a 2,5 Mrda. Cette seconde partie va montrer comment apparurent 2700 minéraux supplémentaires pour atteindre le total actuel de 5200 espèces identifiées et reconnues officiellement.
Ce nouvel apport, le quatrième, est dû au “Great Oxydation Event”, comme le qualifie Robert M. Hazen, géophysicien au Carnegie Institution, qui est considéré comme pionnier de l’évolution de la minéralogie terrestre.
Il y a 2,5 Mrda, l’atmosphère terrestre était privée d’oxygène, ce dernier élément étant engagé seulement sous forme d’eau et gaz carbonique. A partir de cette époque, commença à intervenir l’interaction entre le vivant (ou l’organique) et le minéral, laquelle va être à la base de l’apparition de nouveaux minéraux.
Dans un premier temps, ce sont les minéraux existants qui vont permettre le développement des premières formes de vie, les bactéries, en leur apportant l’énergie nécessaire grâce à leurs propriétés chimiques. Au cours de ce processus, se créèrent d’immenses dépôts de fer rubannés, (alternance d’oxydes de fer rouges et de silice blanche) appelés itabirites, qui se déposèrent au fond des océans et qui constituent 90 % des gisements de fer actuellement en exploitation, notamment en Australie. La poursuite du développement de la vie bactérienne amena un nombre suffisant de cyanobactéries ( ou algues bleues) à la surface des océans pour progressivement apporter de l’oxygène dans l’atmosphère par absorption du gaz carbonique ( CO2) et rejet d’oxygène sous l’action de la lumière solaire, c’est à dire par photosynthèse.
Parmi les traces de cette activité bactérienne qui subsistent de nos jours, on peut voir dans le sud du Maroc de vastes dépôts de Stromatolites, constructions laminées de carbonates.
N.B. Les cyanobactéries sont encore actives de nos jours.
La présence d’oxygène dans l’air permit le développement de végétaux sur les terres émergées qui, à leur tour contribuèrent, par photosynthèse de leur chlorophylle, à l’accroissement de l’oxygène dans l’atmosphère terrestre. Progressivement, la teneur en oxygène s’accrût, mais il fallut environ 2 Mrda pour atteindre la valeur actuelle de 21%. La formation de nouveaux minéraux se réalisa progressivement en fonction de la disponibilité de l’oxygène dans l’atmosphère terrestre. En effet, pour former des composés oxydés stables, les éléments comme le fer, le nickel, le cuivre, le cobalt, le manganèse, le plomb, l’uranium, … ont besoin d’une quantité d’oxygène qui leur est propre. Par exemple, avec le cuivre, se forma d’abord l’oxyde rouge, la cuprite, et ultérieurement les minéraux plus oxydés, comme l’azurite bleue et la malachite verte.
C’est selon une chronologie similaire, qu’apparurent successivement les composés minéralogiques de complexité croissante des éléments atomiques cités ci-dessus.
Contrairement aux minéraux des phases précédentes qui étaient de couleur sombre, parfois brillante comme les sulfures, les minéraux de cette quatrième phase sont richement colorés:
- les uranifères offrent une palette de couleurs fascinantes,
- des composés du cuivre des verts et des bleus attrayants,
- certains du cobalt du pourpre brillant,
- d’autres du plomb du rouge orangé ou du vert jaunâtre,
- et beaucoup d’autres que l’on peut admirer dans les publications ou les expositions sur la minéralogie
De nouveaux minéraux, à base d’oxydes de fer et de manganèse apparaissent encore de nos jours, dans les argiles sous l’action de bactéries. Enfin, il a peut-être des minéraux qui n’ont pas encore été découverts. Cette hypothèse est soutenue par le fait que certaines exploitations minières ont révélé des composés minéralogiques que l’on n’a pas trouvés ailleurs.
Ce qui précède amène à considérer que le nombre de 5200 minéraux officiellement reconnus est probablement provisoire.
A noter enfin, que sur la planète Mars on n’a trouvé jusqu’à présent qu’environ 500 minéraux et 300 sur la Lune, en raison de l’insuffisance de chaleur interne et d’eau sur ces deux planètes.
Sources bibliographiques pour les 2 parties.
– The Story of the Earth, Robert M.Hazen, Penguin Books, 2013,
– Mineral Evolution, Robert M.Hazen, The Mineralogical Record, volume 46, Nov.Dec. 2015,
– Ce que disent Les Minéraux, Patrick Cordier et Hugues Leroux, Belin, 2008,
– Roches et Minéraux du Monde, Ronald L. Bonewitz, Delachaux et Niestlé, 2014,
– 101 Minéraux et Pierres Précieuses, Jean-Claude Boulliard, Dunod, 2016,
– L’Evolution des Minéraux, Pierre Gatel, Le Cahier des Micromonteurs, Hors-série Mars 2018.
La minéralogie comme la volcanologie sont des sciences qui évoluent avec le temps au fur et à mesure de l’avancée de la recherche et des connaissances. Ce qui est vrai à un instant T peut être remis en cause le lendemain.
Philippe Thiran, l’auteur de ce post, se tient à disposition de ceux qui voudraient échanger à propos des notions géologiques présentées. Vous pouvez nous contacter pour avoir ses coordonnées personnelles.
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